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Brève histoire de la gastronomie française

(Seconde partie)

 

 

La recherche éperdue des produits de qualité

 

Le véritable challenge du XXI° siècle est la qualité des produits alimentaires. De nombreuses interrogations se posent au consommateur : l’industrialisation des cultures, la standardisation des produits alimentaires, le poids croissant des industries agro-alimentaires, souvent multinationales qui produisent des aliments – trop – transformés. Des inquiétudes écologiques se font jour comme l’utilisation des OGM (organismes génétiquement modifiés), l’utilisation massive des pesticides, le recours à de nombreux additifs alimentaires, le poids carbone des aliments, ainsi que la peur des risques sanitaires comme la maladie de la vache folle. Cependant les progrès de la sécurité alimentaire et de la diététique font que les risques alimentaires sont bien moindres que par le passé.

 

La recherche de la qualité des produits est un impératif de la bonne cuisine. La gastronomie ne saurait se concevoir qu’avec des produits de grande qualité. Comme le soulignaient les fondateurs de la nouvelle cuisine, le but de la gastronomie est de mettre en valeur un produit excellent et non de le masquer – imparfaitement – par des artifices culinaires. Ils retrouvaient les propos de Louis Forest, créateur du Club des Cent, et Curnonsky, fondateur de l’Académie des Gastronomes :

 

« Il faut que les produits aient le goût de ce qu’ils sont ».

 

La recherche de la qualité des produits s’est faite selon des modalités très diverses :

 

  • Redécouverte des légumes anciens injustement méprisés ou oubliés : Ainsi les cuisiniers utilisent désormais les panais, le persil racine, le cerfeuil tubéreux, diverses variétés de raves et de betteraves et les topinambours (associés pour les plus anciens aux restrictions de la seconde guerre mondiale).
  • Utilisation raisonnée des multiples variétés de légumes en fonction de leur goût, de leur couleur et de leur usage : A titre d’exemple, le goût et la couleur des tomates varie selon les variétés (rouge (cœur de bœuf, cornue des Andes), jaune (tomate ananas), noire (noire de Crimée), verte (zébra verte)) et permet de réaliser des salades multicolores ; de même, l’utilisation des variétés de pomme de terre (bintje, rattes, roseval, vitelottes ou violettes de Chine, grenailles) varie selon leur usage.
  • Redécouverte des races animales oubliées ou en voie de disparition : C’est le cas pour les volailles (géline à pattes noires de Loches, coucou de Malines) et les porcins (porc noir du Pays basque).
  • La traçabilité des produits représente un grand progrès tant sur le plan sanitaire que sur le plan gastronomique : Elle permet de prévenir des crises sanitaires, mais il est aussi toujours intéressant d’où provient un aliment, notamment pour les viandes, les poissons et les charcuteries. Il est aussi intéressant de savoir la race des viandes notamment bovine et porcine. De plus en plus de restaurateurs, tant en France qu’aux Etats-Unis, affichent sur leur menu le nom (et parfois le lieu) du producteur.
  • Le respect de la saisonnalité des produits est un impératif de plus en plus admis et respecté : Si les primeurs, tant appréciés par le roi Louis XIV sont toujours recherchés, le goût des produits est maximum à leur pleine période de maturité et de production. Ils sont d’autant meilleurs qi ils sont récoltés murs ou à point.
  • La tendance locavore : De nombreux cuisiniers essayent de ne travailler que sur des produits  locaux, produits ou élevés à proximité de leur restaurant, ou au plus dans un rayon de 50 à 100 kilomètres, ce qui a un double avantage, une meilleure connaissance des produits et des producteurs, et une réduction du poids carbone des aliments. Mais cette tendance locavore est un peu limitative et contraignante, même si elle paraît vertueuse.
  • L’utilisation de circuits courts va dans le même sens : Ainsi des restaurateurs utilisent les produits de potagers d’exception, comme celui d’Asafumi Yamashita dans les Yvelines, ou ont crée leur propre potager comme Alain Passard.
  • Le développement des marchés de gros de qualité : Il permet un approvisionnement extraordinaire en diversité et en qualité, à condition de bien choisir ses fournisseurs. On estime toujours que le marché de Rungis est un des plus grands et plus beaux marchés du monde, merveilleusement achalandé, où de grands chefs de France et même d’Europe se fournissent régulièrement.
  • Le développement dans l’Union Européenne des Appellations d’Origine Protégée (AOP) : Développée au départ en France avec les Appellations d’Origine Contrôlée (AOC) depuis 1935 pour les vins, puis ensuite pour les autres produits, les AOP ont permis dans toute l’Europe d’élaborer des chartes de qualité pour de nombreux produits végétaux (comme les olives ou le piment d’Espelette) ou animaux (comme les volailles).
  • La reconnaissance des techniques traditionnelles de fabrication de certains produits : Ainsi, contrairement aux préoccupations sanitaires de certains vétérinaires français, l’utilisation de lait cru non pasteurisé a pu être maintenue pour la fabrication des fromages traditionnels. De même, l’instauration des quotas laitiers par l’Union Européenne a permis de nourrir à nouveau les veaux sous la mère et a considérablement amélioré la qualité de leur viande.
  • La protection des méthodes artisanales de fabrication des produits : Il apparaît fondamental de préserver les méthodes artisanales de fabrication tout en respectant les mesures de sécurité sanitaire, face aux standardisations des industries agro-alimentaires. Cela est particulièrement vrai pour les charcuteries et les fromages. Cette recherche de la qualité des produits a été constamment soutenue par l’AIG et a été récemment reconnue par une résolution du Parlement Européen, qui défend vigoureusement les AOP et le savoir-faire des artisans.

 

Des évolutions devraient se poursuivre dans les années à venir, mais elles peuvent aussi exposer à de nouveaux risques :

 

  • Le succès de l’agriculture biologique ou de la culture raisonnée, visant à réduire l’utilisation de pesticides. Cette évolution est tout à fait louable et digne d’intérêt, notamment sur le plan écologique et sanitaire, mais elle peut aussi exposer à de nouveaux risques, surtout mycosiques (mycotoxines) ou bactériens (comme l’épidémie allemande d’Escherichia coli à shiga-toxine). Ce risque est sans doute majoré dans les pays du tiers monde par l’utilisation d’engrais humains et par la qualité des eaux.
  • Le refus complet de tout intrant dans la culture de la vigne et dans la vinification, sans sulfate de cuivre ni soufre, a donné naissance à des « vins nature », qui peuvent être décevants sur le plan gustatif et de conservation difficile et limitée dans le temps.
  • Les OGM (organismes Génétiquement Modifiés) ont connu un développement mondial notamment pour le maïs ou le soja. Mais ils n’ont aucun intérêt gastronomique. Ils servent surtout à augmenter les rendements des cultures industrielles et sont surtout utilisés – mais pas seulement – pour l’alimentation animale. Leurs inconvénients sont avant tout écologiques, limitant la biodiversité et généralisant l’utilisation d’herbicides controversés comme le round-up R.
  • Les principaux critères d’excellence des produits sont donc leur production artisanale, saisonnière et locale (quand cela est possible).

 

L’alliance des mets et des vins est une composante fondamentale de la gastronomie

 

L’association des mets et des vins est une partie indissociable de la gastronomie française depuis des siècles. Pendant très longtemps, on s’est contenté de boire des vins produits localement ou à peu de distance. Puis les progrès de la vinification et des transports ont permis de diversifier les apports des vins sur toutes les tables. Ainsi le Maréchal de Richelieu a introduit le vin de Bordeaux (le château Laffite) à la Cour du roi Louis XV ; le Champagne, déjà présent sur les tables des petits soupers du Régent, n’est apparu sous sa forme actuelle qu’au début du XVIII° siècle en raison des progrès de la fabrication des bouteilles en verre. Sous le premier Empire, le vin moelleux le plus renommé au monde était le vin de Constance, produit dans la province du Cap en Afrique du Sud, que les Anglais fournirent à l’Empereur Napoléon I° pendant son exil sur l’île de Sainte Hélène.

 

Le commerce du vin, présent depuis l’Antiquité, s’est développé au Moyen-Âge avec l’importation du Bordeaux Claret en Angleterre, puis est devenu très important au XIX° siècle. Les Anglais ont développé des vins mutés (Porto, Madère et Xérès), et les ont importés dans leur pays. D’autre part, les Européens ont importé les cépages européens, en grande majorité français (Chardonnay, Cabernet-Sauvignon, Merlot, Syrah, etc…) dans l’hémisphère Sud (Australie, Chili, Argentine, Afrique du Sud) et aux Etats-Unis, où de nombreux vignobles ont été plantés en dehors de la Californie. Les progrès de l’œnologie ont permis d’améliorer la qualité des vins dans les pays d’Europe (Italie, Espagne mais aussi Allemagne et Autriche) et dans tous les pays du monde. En France, des régions viticoles moins réputées fournissent désormais des vins de qualité. Enfin la consommation de vin a cru dans de nombreux pays des Etats-Unis à la Chine, et certains des plus grands connaisseurs de vin dans le monde sont désormais extra-européens, comme l’américain Robert Parker.

 

Chaque mets peut être magnifié par un vin adapté. Les vins blancs s’adaptent particulièrement bien aux huîtres et aux poissons, mais aussi aux fromages. Pour les vins rouges, la Bourgogne, le Bordelais et la vallée du Rhône offrent des variations infinies. La diffusion des vins dans le monde entier et l’amélioration de la qualité de très nombreux vignobles a multiplié les combinaisons mets-vins. De nombreux livres conseillent les meilleures associations. Le développement des bars à vins et le service du vin dans les restaurants permettent de varier les combinaisons mets-vins. Parmi les tendances actuelles, on peut signaler l’association de plats du terroir avec les vins du même terroir, et l’association des fromages avec des vins blancs différents selon le type de fromages.

 

L’effet de la mondialisation sur nos tables et la cuisine-fusion

 

Contrairement aux idées reçues, la mondialisation ne date pas d’aujourd’hui. La diffusion des produits alimentaires et leur commerce remonte au moins au Néolithique. La première grande mondialisation remonte à l’Empire Romain, où tous les produits du monde connu convergeaient vers Rome : au début de notre ère, le poivre, qui venait d’Indonésie par les routes de la Soie, était présent dans les trois quarts des recettes d’Apicius. La deuxième grande mondialisation survint au XVI° siècle après la découverte de l’Amérique : que serait nos tables sans les produits amérindiens, la tomate, la pomme de terre, le piment, les courges, les haricots, le chocolat et la vanille ? Depuis le XIX° siècle, tous les bons produits convergeaient déjà vers Paris.

 

Contrairement à la nouvelle cuisine et à la cuisine moléculaire, dont les fondements avaient été posés en France, ce mouvement de mondialisation a été universel et a touché tous les pays, de façon variable plus ou moins importante, mais aucun pays n’y a échappé.

 

L’épisode de mondialisation contemporain a été favorisé par les transports, navires frigorifiques, puis aériens. Tous les produits de la terre peuvent converger vers nos tables. Nous pouvons désormais comparer le homard de Bretagne, de Cantabrique avec celui du Maine. Cette mondialisation contemporaine a eu plusieurs conséquences :

 

  • La mise à disposition de nouveaux produits de toutes sortes : C’est le cas des fruits exotiques (mangues du Pérou, lychees d’Afrique du Sud, Ananas Victoria de la Réunion, Yusu japonais, etc…) ou la banalisation de produits autrefois rares et chers (ananas, bananes, oranges, mangues). De même, la palette des épices disponibles s’est enrichie (poivre du Setchouan, baies roses, wasabi japonais).
  • L’utilisation de modes de cuisson ou de préparation exotiques : comme le tandoori indien ou le wok asiatique, et de modes de préparation comme la cuisson du poisson par le citron (ceviche péruvien) ou le tempura japonais.
  • La rupture de la saisonnalité des produits : On peut ainsi disposer à contre-courant des saisons des produits comme les haricots verts du Kenya, les cerises d’Afrique du Sud ou les fraises du Chili
  • Le mélange des cuisines : Si la France forme depuis des siècles des cuisiniers qui se répandent à travers le monde, comme le soulignait Auguste escoffier au début du XX° siècle, et si de nombreux cuisiniers sont toujours formés dans les brigades des grands restaurants français, les échanges se sont accrus. Il y a désormais à Paris des cuisiniers japonais qui réinterprètent de façon inventive et excellente la cuisine classique française, aboutissant à une fusion des cultures, tout comme il y a des cuisiniers français qui ont ouvert des restaurants au Japon.
  • Les restaurants de cuisine étrangère ou exotique : Connus depuis le début du XX° siècle avec l’installation dans toutes les grandes villes du monde de restaurants chinois, vietnamiens, italiens, on peut trouver dans les grandes villes des restaurants de toute origine : indienne, américaine (« tex-mex »), africaine et même afghane ou népalaise. De même dans e monde entier, on trouve aussi des restaurants français dans toutes les grandes villes. Même dans les coins les plus reculés de la planète, on trouve des restaurants italiens, chinois ou japonais.
  • L’intégration de plats étrangers dans le patrimoine national : Des plats d’origine étrangère se sont intégrés dans le patrimoine national : ainsi en France, le couscous et les merguez d’origine maghrébine, et la paëlla d’origine espagnole font partie des plats les plus populaires à côté du bœuf-mode ou du beefsteak-frites. Par contre, les pizzas des chaînes américaines ne font pas littéralement partie de la gastronomie.

 

Ces évolutions peuvent être vues de deux façons contradictoires : une positive, par l’enrichissement de notre palette gustative et la mise à disposition de nouveaux produits ; et une négative, écologique, insistant sur le poids carbone des importations de ces nouveaux produits, sur leur origine et sur la rupture de la saisonnalité.

 

Les mélanges des goûts se sont récemment multipliés, aboutissant à la cuisine-fusion, dont l’objectif est double : réaliser des mélanges entre les produits de différentes cultures, et aboutir à des goûts souvent originaux, et parfois à des excès : goûts peu compatibles, utilisation d’ingrédients à contre-emploi, mélanges peu réussis où la juxtaposition des produits n’entraîne pas la potentialisation attendue. Là encore, les succès de la cuisine-fusion reposent sur une solide connaissance des produits et des techniques de préparation et de cuisson par les cuisiniers.

 

Le développement de la culture gastronomique

 

La France a été pionnière dans la culture gastronomique : si les livres de cuisine existent depuis l’Antiquité, avec le grec Archestrate et le romain Apicius, et si des manuscrits du Moyen-Âge nous sont parvenus comme le Viandier de Taillevent et le Ménagier de Paris, de nombreux livres de cuisine ont été publiés en France depuis le XVII° siècle. D’abord réservés à une élite, le premier grand succès de librairie a été la Cuisinière bourgeoise de Menon à la fin du XVIII° siècle, constamment réédité pendant un siècle. Au début du XIX° siècle, Brillat-Savarin a été le premier théoricien de la gastronomie, avec sa Physiologie du Goût et Grimod de la Reynière a inventé les guides et les prix gastronomiques, dans ses Almanachs des gourmands. Ensuite, les livres des grands cuisiniers comme Antonin Carême, Gouffé, Urbain-Dubois ont jeté les fondements de la haute cuisine, rationnalisée par Auguste Escoffier dans son Guide culinaire, qui a été traduit dans toutes les langues et qui a connu un succès planétaire.

 

Depuis le vingtième siècle, et surtout depuis une cinquantaine d’années, les livres de cuisine sont devenus un phénomène de société mondial et des succès récurrents de l’édition. On distingue plusieurs catégories actuelles de livres de gastronomie :

 

  • Les livres de grands chefs : Les livres publiés par les grands chefs sont devenus un passage obligé de leur réussite professionnelle. Ce sont le plus souvent des livres d’art où les recettes sont accompagnées de magnifiques photographies : ces illustrations représentent souvent une vision esthétique et idéalisée des plats, qui, ainsi mis en scène, sont parfaits esthétiquement mais difficiles à dupliquer pour le commun des mortels. Les impératifs de la haute cuisine font que ces recettes sont souvent peu réalisables chez les particuliers, même si un réel effort de simplification et d’adaptation est souvent réalisé. Ces livres comprennent toujours une part de rêve.
  • Les livres thématiques sur les produits : Ils ne sont pas moins nombreux, et couvrent tous les domaines de la gastronomie : des épices aux herbes et aux légumes, des viandes aux volailles, aux poissons et au gibier. D’autres thématiques ont concerné les plats aux multiples variantes comme le pot-au-feu, les pâtés et les salades. D’autres encore ont exposé les mérites des différents des modes de cuisine, du cru au cuit.
  • Les livres sur les vins : Les livres consacrés aux vins sont innombrables, consacrés à un seul cru, une appellation ou à une région de production, ou encore aux cépages et aux terroirs viticoles sous ses aspects géologiques ou climatiques : ainsi une véritable encyclopédie sur les climats de Bourgogne a été récemment publiée. Sans oublier les livres consacrés aux apports mets-vins.
  • Les livres sur les cuisines régionales et étrangères : Les cuisines régionales ont été explorées dans leurs moindres détails dans de nombreux ouvrages. Les cuisines étrangères ont également fait l’objet de recueils et d’encyclopédies exhaustives, explorant le patrimoine culinaire de tous les pays, et dans de nombreuses langues.
  • Les guides gastronomiques : A la suite du guide Michelin dont la première édition a paru en France en 1900, les guides gastronomiques, nationaux ou régionaux, sont devenus incontournables dans tous les pays. Ils recensent les avis de critiques, de journalistes ou plus récemment de consommateurs. Leur médiatisation croissante a fait l’objet de dérives et de critiques, que Grimod de la Reynière avait déjà essuyées dès 1810, suite à la publication des Almanachs des gourmands.
  • Les livres de culture gastronomique : Ce sont des ouvrages de synthèse sur le monde de la gastronomie et son histoire qui permettent d’affiner nos connaissances. L’académie Internationale de la gastronomie décerne chaque année un Grand Prix de la Culture Gastronomique qui récompense des personnalités ou des livres enrichissant la culture gastronomique.
  • Les supports multimédias : Après les livres et les articles de journaux innombrables depuis deux siècles, la radio (avec radio-cuisine d’Edouard de Pomiane), la télévision a d’abord pris le relais avec les émissions de Raymond Oliver, puis avec toutes sortes d’émissions documentaires, suivies plus récemment par des émissions de télé-réalité comme top-chef. Les supports numériques ont désormais pris le relais : sur internet, la gastronomie est la seconde plus grande thématique, et même les réseaux sociaux parlent de gastronomie. De nombreux sites internet sont désormais consacrés à la gastronomie, aux chefs ou aux vins.

 

Les nombreuses publications et l’intérêt porté à la gastronomie par l’ensemble de la population ont eu des conséquences scientifiques, académiques et politiques :

 

  • La gastronomie est entrée dans le cadre universitaire : Des chaires et des instituts consacrées à l’étude de la gastronomie ont été créés en France (universités de Tours et de Lyon) mais aussi en Italie à Parme et en Espagne à Madrid. Ces universités sont pluridisciplinaires regroupant des spécialistes de l’alimentation, des historiens et des sociologues : d’abord surtout orientées vers l’alimentation, elles se sont ensuite intéressées à la gastronomie sous tous ses aspects.
  • Des liaisons étroites se sont crées entre les universités et les Écoles de cuisine : Ainsi des collaborations entre l’Institut Paul Bocuse et l’Université de Lyon ont vu le jour, tout comme en Italie (entre l’Université de Parme et l’École ALMA à Parme) et en Espagne, notamment au Pays Basque.
  • Les politiques n’ont pas tardé à s’intéresser à l’impact de la gastronomie : Ils ont en particulier soutenu l’inscription du repas français au Patrimoine Immémorial de l’Humanité de l’UNESCO, et les projets de cités de la gastronomie à Lyon, Tours et Dijon. Les parlementaires européens ont voté plusieurs résolutions en faveur de la gastronomie comme celle du 12 mars 2014, initiée par l’AIG.

 

L’avènement de la cuisine sante dans la gastronomie

 

Les considérations diététiques ont toujours été un point central de nombreux livres de cuisine depuis les débuts du XVI° siècle avec le Platine en françois. Puis elles furent au XX° siècle un peu occultées jusqu’aux années 1970, où elles durent remises au goût du jour par la nouvelle cuisine et en particulier par Michel Guérard dans son livre La Cuisine minceur, mise en application dans son établissement d’Eugénie-les-Bains. Michel Guérard a su réconcilier la gastronomie et les principes de la diététique sans sombrer dans les affres de l’agueusie, d’une cuisine sans goût ni saveur. Des grands chefs comme Bernard Pacaud ont mis leurs talents au service de la prévention en écrivant avec le Pr. Jean-Noël Fabiani le Régime anticholestérol.

 

Certains des principes de la nouvelle cuisine relèvent de ces préoccupations diététiques comme l’abandon des sauces blondes et brunes trop riches et des faisandages trop prolongés. Ces mesures diététiques visent à réduire le sel et le sucre et à augmenter la place des légumes dans les assiettes. Elles peuvent être inclues assez facilement dans les recettes gastronomiques, car la gastronomie cultive le sens de la mesure et de la variété. C’est ainsi que la cuisine méditerranéenne a retrouvé ses lettres de noblesse sous le nom de régime Crétois, avec sa richesse en légumes et en huile d’olive.

 

Mais il faut le reconnaître, les principaux risques alimentaires concernant bien plus la cuisine de tous les jours que la gastronomie : sont particulièrement en cause les habitudes alimentaires qui utilisent toujours les mêmes produits (et qui potentialisent donc leurs risques éventuels), et surtout les aliments multi-transformés de l’industrie agro-alimentaire qui apportent un excès de sel, de sucre, de graisses (comme l’huile de palme) et tout un cortège d’additifs.

 

Cependant, un des principaux supports du goût est la gras, et la suppression totale du gras et des sauces n’est pas une bonne façon de rendre les plats goûteux et appétissants, et donc ne rend pas service à la gastronomie. L’alliance de la santé et de la gastronomie nécessite à la fois de solides connaissances gastronomiques, en particulier de la composition des aliments et des modes de cuisson, et de bonnes notions diététiques étayées par des preuves scientifiques. C’est une des grandes perspectives d’avenir de la gastronomie.

 

Mais, comme dans toutes les innovations, des excès sont survenus : s’il est légitime de rechercher les allergies et les intolérances alimentaires (comme celle des fruits à coque), la mode est venue proposer, dans certains restaurants, de proposer une cuisine uniquement sans gluten et sans lactose. Il est vraiment exagéré de proposer à toute la population ce régime d’exclusion qui ne touche qu’une toute petite partie de celle-ci (1% pour la maladie cœliaque de l’intolérance au gluten). Il en est de même pour les tendances véganes.

 

L’importance des associations de gastronomes

 

Pendant des siècles, peu de pays ont développé une gastronomie diffusée dans toutes les couches de la population allant de la cuisine vernaculaire à la cuisine régionale et à la haute cuisine : c’était le cas de la France et de la Chine. Dans de nombreux autres pays européens ou autres, il y avait seulement un ensemble de cuisines régionales et la haute cuisine était importée de France (en Europe et en Russie) ou de Chine (en Asie).

 

Cette situation s’est profondément modifiée surtout depuis la seconde moitié du XX° siècle. A l’imitation des associations gastronomiques françaises (le Club des Cent, fondé en 1912, et l’Académie des Gastronomes, créée en 1930), de nombreuses associations nationales de gastronomes se sont crées dans de nombreux pays et se sont regroupées depuis presque trente ans dans l’Académie Internationale de la gastronomie (AIG), dont le siège est en France. Cette tendance s’est d’abord manifestée à la fois dans les pays francophones comme la Belgique et la Suisse, et dans les pays méditerranéens tels l’Italie, l’Espagne puis le Liban et la Syrie. Plus récemment les pays germaniques et anglosaxons ont suivi le même chemin : de telles associations existent dans de nombreux pays d’Amérique du Nord et du Sud, en Asie (Chine et Indonésie), et en Afrique (Angola). Les cinq pays fondateurs de l’AIG ont été La France, l’Espagne, l’Italie et la Suisse et la Grande-Bretagne.

 

Des initiatives louables mais parfois discutables ont établi des classements, comme le Meilleur restaurant du monde, ou La Liste.

 

La gastronomie est devenue dans de nombreux pays un élément fondamental des cultures nationales et régionales. C’est devenu aussi une composante essentielle du tourisme. La gastronomie est désormais un incroyable succès mondial, faisant preuve d’une grande vitalité et associant traditions et inventivité.

 

Les challenges de la gastronomie au XXI° siècle

 

Cependant de nombreuses menaces pèsent sur l’avenir : elles nécessitent d’être prises en compte pour en limiter les impacts et maintenir la place de la gastronomie dans le futur. Ce sont :

 

  • L’industrialisation croissante des produits, qui est souvent le fait des multinationales de l’agro-alimentaire.
  • La standardisation croissante des produits alimentaires par le biais des centrales d’achat et des plats par les chaînes de restaurants.
  • L’acculturation progressive des cuisines vernaculaires face aux standards américains, dont l’exemple emblématique et caricatural est la pizza.
  • La diminution du temps passé à table qui favorise le succès planétaire des chaînes de restauration rapide ainsi que les plats préparés à l’avance car le client veut être servi immédiatement sans attente.
  • Le manque d’éduction alimentaire et gastronomique des jeunes générations.
  • La starisation croissante de nombreux grands chefs, qui conduisent certains d’entre eux à délaisser leurs fourneaux pour devenir de véritables vedettes médiatiques, à diriger plusieurs restaurants voire des sociétés à succursales multiples.

 

Face à ces menaces, le rôle des gastronomes, des académies de gastronomes et de l’AIG dans la défense de la gastronomie est majeur, notamment pour la défense de la qualité des produits et dans l’importance du repas traditionnel. La gastronomie ne doit pas être exclusive, reconnaissant tous les modes de cuisine, vernaculaires, régionales, aux plus sophistiquées et modernistes. On doit s’attacher aussi tout particulièrement à l’éducation des jeunes générations (dès la table familiale) et à déceler les jeunes chefs de talent, qui représentent l’avenir.

 

Conclusion

 

La définition de la gastronomie proposée par l’AIG est universelle et répond à nos questions :

 

« La Gastronomie est une partie intégrante de la culture et un art de vivre, qui, par la variété et la qualité des produits, la technique artisanale des modes de préparation, et l’alliance des différents ingrédients (mets, assaisonnements et vins), développe les goûts et les saveurs et concourt au plaisir des sens et à la préservation de la santé. » 

 

Références

·  Vitaux, Jean & France, Benoit : Dictionnaire du Gastronome. Paris, Presses Universitaires de France, 2008.

·  Vitaux, Jean : La Mondialisation à table. Paris, Presses Universitaires de France, 2009.

·  Vitaux, Jean : Le bouquin de la Gastronomie. Paris, Robert Laffont, 2020.

 

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